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" La nuit tombe et le sol tremble. Les terres anciennes s’éveillent. Les cris et les danses, les lueurs et les flammes, les clameurs et les incantations donnent au crépuscule la teinte des forces oubliées.
C’est le voile tranquille d’une quiétude monotone et lénifiante qui se déchire sous les ongles des macrales, qui se tord et s’écorne sous la chaleur des bûchers, qui s’emporte sous le souffle lourd des païens.
Sur le pavé des villes, dans l’herbe grasse des prairies, dans les boyaux pierreux des villages lointains, craque le vernis des apparences. Le feu, la terre, la nuit, tous reviennent aux adorations séculaires, bien avant que la croix, le croissant ou d’autres prophètes ne viennent les supplanter sous un lourd manteau de temples, d’églises, de synagogues ou de mosquées.
Toujours arrachées, jamais éteintes, les vieilles racines survivent dans les interstices de leurs mémoires rugueuses. L’animalité des peurs ancestrales, la bestialité des éléments, conjurées par les sorts, les amulettes, les incantations, s’entendent rugir à nouveau dans les cavalcades, les cortèges, les ruées, par-dessus les braises, à la lisière des forêts sombres. Tribus étranges, tantôt chaotiques, tantôt alignées sous les astres noirs, sacrilèges, obscènes, offrant en sacrifice les convenances bourgeoises en souvenir des passions primales, profanes, sauvages, arrosées et noyées dans les chansons interdites, les vociférations, les promesses charnelles et la bière tiède.
Ils ont sorti la cagoule, le masque, les oriflammes et les tambours. Tout ce peuple pulse et converge vers la musique des ricanements, des râles et des murmures.
C’est le sabbat. "
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Texte de Thomas Burion.
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Série en cours.
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