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La Belgique n’existe pas, d’ailleurs Simon Vansteenwinckel l’a rencontrée, qui l’a renommée en pensant au Grand Jacques.
Livre païen, Platteland est un plat qui se mange chaud, debout, entre deux dernières bières, à l’heure où les enfants dorment déjà depuis longtemps et où les étoiles sortent sans culotte.
Il faut être un peu dingue soi-même pour aimer ainsi les fous qui la nuit cognent leur front aux cuisses des filles, en laissant glisser leur troisième œil sur une barre de fer où serpentent des créatures presque nues.
Faire saliver les gars au-delà du raisonnable.
Faire suer la pellicule.
Faire cracher les regardeurs.
Faire exulter les sous-bois où se cachent plusieurs générations de beaux petits voyeurs.
Il faut être un peu Indien pour ainsi faire chanter le boîtier de vision et croire en la danse de la pluie des images qui ne font pas un pays, mais une fraternité de boue et de masques, de rires et d’effroi, de sorcières et de cowgirls.
Au Platteland, chacun fait son cirque, qu’il soit biker, teuffeur, hardeur, cracheuse de feu ou pénitent.
L’important est de se donner en spectacle, de faire tourner la machine à fantasmes et d’en mettre plein la vue aux assis.
Barricadez-vous dans vos grands ensembles gris, les monstres sont de sortie, et, méfiez-vous, il se pourrait bien que vous aimiez beaucoup ça.
Si vous voulez survivre au Platteland, il convient de ne surtout pas rester seul, et de tenter de partager votre solitude avec la première des hordes locales venues. Vous vous
retrouverez tatoué, le cul à l’air, la gueule dans le caniveau, mais peu importe, vous vous en serez sorti par le haut.
Aujourd’hui, c’est jour de carnaval, mais, au fond, est-on encore en vie les soirs où l’on ne se grime pas ?
Existe-t-on vraiment si l’on ne rêve pas parfois de devenir épouvantail, chien errant ou maison à vendre ?
Les villes pèsent des milliards de tonnes, notre corps pèse des milliers d’années, et notre tête est un hublot de fonte.
On ne choisit pas sa patrie, mais on peut décider de la recréer, en verbe, en images, en renversant l’énergie de mort en puissance de vie.
Platteland est un territoire sauvage, indocile, où les carrefours ressemblent à des croix de supplice, et où Jésus semble avoir eu bien d’autres occupations que d’y venir faire la fête.
Le bon Dieu ici ? Un cantique, une image ? Peut-être rien de mieux.
Alors, puisque de toute façon personne ne tient les rênes, autant tirer sur tout ce qui bouge.
Les Comanches de Liège sont dans la rue. Maman, rentre tes filles. Papa, on tient à toi.
Le diable roule en Cadillac, et sa femme a les seins ronds comme une putain californienne.
Ça monte à califourchon sur le néant, et ça danse le rigodon en envoyant dinguer les canettes.
Maintenant, il est temps de jeter quelques frites dans la Mer du Nord, de faire une prière aux démons des abysses, et de chercher à comprendre pourquoi les enfants sont malgré tout si beaux.
Fuck you, je t’adore.

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Texte de Fabien Ribery.

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